Rapports

Rapport moral

2021, année de poursuite de la crise sanitaire, avec toutes ses conséquences sur les enfants, qu’elles soient en terme d’angoisse, ou d’exposition à des dangers supplémentaires : isolement au sein de sa famille, ou dans les institutions, avec les risques exacerbés inhérents, provenant de l’entourage immédiat (violences de toutes sortes) ou du recours aux réseaux sociaux, avec tous ses dangers propres…

Themis a par conséquent poursuivi voire amplifié ses actions afin d’assurer le respect du droit des enfants.

Vous le verrez dans le rapport d’activité plus détaillé qui suit, nous avons connu une augmentation forte dans le cadre de l’accès au droit , passant de 738 à 1 154 dossiers ouverts, représentant 1836 mineurs accompagnés (contre 1 200 l’an dernier) et dans les désignations en qualité d’administrateur ad hoc, passant de 330 à 596, soit 1 169 dossiers en 2021 contre 648 en 2020. Ces chiffres confortent ce que nous pressentions, à savoir que les enfants ont été particulièrement vulnérables et touchés par la situation sanitaire et sociétale.

La conséquence en a été l’augmentation de l’équipe afin d’assurer la même qualité d’accueil, et je veux saluer le dynamisme et l’engagement sans faille de nos salariés, sous l’impulsion de notre directrice .

Ils ont tous le souci d’entendre au plus près les enfants, de ne pas trahir ce qu’ils expriment, d’œuvrer pour que leurs droits soient respectés, et lorsqu’ils en ont le mandat, de rechercher leur intérêt pour le faire valoir. Nul doute que la pluridisciplinarité qui est la règle depuis toujours à Thémis permet d’entendre même ce qui n’est que susurré, et de cerner au mieux la réponse la plus adéquate.

Notre accompagnement significatif en nombre mais certainement aussi en qualité, des enfants qui connaissent des situations difficiles, qu’ils soient victimes de négligences ou de maltraitance, ou pris en étau des conflits parentaux nous rend particulièrement vigilants à toutes les propositions faites en leur nom afin d’améliorer leur prise en charge.

Par notre présence au sein de la CNAPE, nous avons participé à l’élaboration de la loi d’avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels, faisant définitivement disparaître des prétoires la question du consentement des enfants puisque est dorénavant défini comme un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit commis par un majeur sur la personne d’un mineur de 15 ans lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins 5 ans, et l’âge est porté à 18 ans lorsqu’il s’agit d’un acte incestueux sans fixation de différence d’âge. Les éléments constitutifs du viol, soit la violence, la contrainte la menace ou la surprise ne sont plus exigés dans ces inculpations spécifiques. Une modification substantielle est portée également au principe de la prescription , qui n’est plus acquise en cas de nouvelle commission de viol ou d’agression sexuelle sur un mineur dans le délai de prescription de la nouvelle infraction.Je me permets de regretter que la convention de Lanzarote sur la protection des enfants contre les abus sexuels, adoptée par le conseil de l’Europe le 25 octobre 2007, ratifiée par 47 pays, applicable en France en 2011, prévoyant des mesures complètes en matière de protection, de prévention et de punition, n’ait jamais été effective en pratique. Pourquoi tout ce temps perdu !

Le code de la justice pénale des mineurs adopté par ordonnance du 11 septembre 2019, qui devait entrer en vigueur initialement le 1er octobre 2020, reporté au 31 mars 2021, l’a été finalement le 30 septembre 2021. Je rappelle de manière synthétique 2 principes à en retenir, la présomption de non discernement pour les mineurs de 13 ans, et la césure du procès, le principe de la culpabilité devant être tranché dans un délai de 3 mois, et la sanction fixée après une période de 6 à 9 mois de mise à l’épreuve éducative. Je réitère nos critiques, de voir des enfants déclarés discernants sous la pression médiatique, et le grand nombre d’exceptions permettant un jugement unique dans un délai extrêmement proche des faits avec la possibilité d’un maintien immédiat en détention, rapprochant ainsi la justice des mineurs de celle des majeurs.

Enfin, nous avons fait adopter de nombreux amendements visant à l’amélioration du projet de loi déposé par le secrétaire d’État à la protection de l’enfance, portant essentiellement sur la question de la gouvernance, le statut des assistants familiaux, la sortie de l’aide sociale à l’enfance des jeunes majeurs. Cette loi vient d’être adoptée le 7 février 2022, et elle porte également quelques améliorations à une meilleure prise en compte de la lutte contre la maltraitance dans les établissements de la protection de l’enfance.

Themis a participé activement à la campagne contre les violences faites aux enfants, par l’affichage de dessins créés pour la CNAPE par des artistes de renommée nationale appelant chaque citoyen à se sentir concerné et à agir en cas de proximité d’un enfant susceptible d’être en danger. Elle a pu se décliner localement par l’engagement de la ville de Strasbourg et de l’Eurométropole, ainsi que de la CTS

S’agissant des enfants victimes de séparations parentales conflictuelles, ou malmenés par les conséquences de la séparation elle-même, nous avons poursuivi activement les auditions à la demande des juges aux affaires familiales de Mulhouse, et nous essayons de retranscrire au mieux leur parole porteuse de leur mal-être, mais aussi de leur espoir d’être entendu non seulement par le juge et par leurs parents.

Vous savez que nous sommes très attachés à Themis aux enfants les plus délaissés ; il s’agit en particulier des mineurs en conflit avec la loi, et des mineurs non accompagnés qui rentrent malheureusement souvent également dans cette dernière catégorie, du fait essentiellement de leur non prise en charge par les structures de l’aide sociale à l’enfance. Nous développons une collaboration active avec la protection judiciaire de la jeunesse, et intervenons notamment à sa demande et par son financement auprès des établissements de la protection de l’enfance pour apporter aux mineurs une meilleure connaissance de leurs droits. Pour les mineurs non accompagnés, nous avons finalisé à la demande du ministère de l’intérieur un guide pratique pour les accompagner dans leur demande d’asile et continuons à les accueillir nombreux dans nos services pour leur permettre de faire valoir leurs droits.

S’agissant de nos actions collectives, elles sont portées par une équipe entreprenante, sachant s’adapter aux demandes des collectivités et des établissements scolaires.

Grâce à l’engagement renouvelé et à la confiance maintenue des collectivités territoriales et des représentants territoriaux de l’Etat, nous poursuivons nos actions d’apprentissage de la citoyenneté dans les établissements scolaires . Par la signature d’une nouvelle convention d’objectifs pour 2021–2023 avec l’Eurométropole et la Ville de Strasbourg, nous renforçons notre partenariat pour le développement de l’éducation à la citoyenneté des mineurs, leur information et l’accès à leurs droits. La ville de Strasbourg expérimente depuis 3 ans sur les quartiers des conseils d’enfants visant à la constitution d’un conseil territorial, et nous a confié cette animation qui se révèle extrêmement riche en participation active des enfants et qui leur permet d’acquérir des habitudes de démocratie.

Par le partenariat initié avec les clubs de ligue 1 de football par la CNAPE, nous avons décliné des actions avec le club du Racing, pour l’ouvrir à la protection de l’enfance, et nous allons signer une convention de partenariat avec le district d’Alsace de football.

Si ces incursions dans les domaines nouveaux sont extrêmement porteuses d’espoir, je ne voudrais pas négliger pour autant de remercier pour leur engagement constant à nos côtés les avocats, qui permettent par leur détermination de voir porter en justice les droits des enfants .

Enfin, puisqu’il s’agit aujourd’hui de mon dernier rapport moral, je voudrais dire tout mon bonheur d’avoir œuvré depuis 32 ans au sein de Themis. Un pari sur l’avenir gagné jusqu’à présent grâce à tous ceux qui ont cheminé peu ou prou sur les chemins de l’accès au droit des enfants: bénévoles ou salariés de l’association, financeurs, partenaires. La confiance que nous témoignent les enfants est notre reconnaissance mais aussi notre aiguillon pour inlassablement poursuivre .

 

Josiane BIGOT, Présidente de THEMIS